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Interview d’Elodie Pillon : Enseignante-chercheuse à LINEACT CESI pour le thème de recherche « Apprendre et Innover »

En quoi consiste ton métier d’enseignante-chercheuse ?

L’enjeu principal du métier d’enseignant-chercheur est la création et la diffusion de connaissances.

En tant que chercheuse, c’est mon côté scientifique qui prime. Contrairement aux idées reçues, même quand on est chercheuse en management stratégique de l’innovation, on est une scientifique. Dans ce métier, je suis amenée à utiliser une démarche de recherche pour répondre à une question sur le fonctionnement du monde, la représentation d’un phénomène, la compréhension d’un modèle et créer ainsi de nouvelles connaissances.

En tant qu’enseignante, je vais diffuser cette nouvelle connaissance. L’idée est que la transmission se fasse jusque dans les entreprises afin de contribuer de manière utile au développement d’un territoire. Cette transmission passe par l’enseignement pédagogique auprès des apprenants, par la publication de travaux scientifiques, mais aussi par la vulgarisation auprès du grand public en participant à différents types d’évènements tels que les journées portes ouvertes de CESI, La Fête de la Science, Ma Thèse en 180 secondes.

Pour moi, la recherche et l’enseignement me semblent fonctionner en synergie : la recherche doit être au service de l’enseignement et l’enseignement au service de la recherche. C’est pourquoi je propose régulièrement aux apprenants que j’encadre, des problématiques ou études de cas issues de ma propre activité de recherche. À titre d’exemple, après avoir formé des apprenants au Business Models Innovants, je leur demandé de proposer différents Business Models pour vendre le résultat d’un consortium de recherche dont LINEACT CESI était partenaire. Les résultats sont venus ainsi alimenter la réflexion des partenaires du consortium.

Elève-ingénieure et mastérienne au sein de CESI École d’Ingénieurs en spécialité généraliste, puis docteure en Sciences de Gestion à LINEACT CESI, en partenariat avec l’Université de Caen, pourquoi as-tu fait le choix de poursuivre tout ton cursus à CESI ?

Après un DUT Mesures Physiques, je voulais continuer en école d’ingénieur. Cependant, je n’avais pas forcément les moyens financiers de continuer mes études. CESI École d’Ingénieurs s’est trouvé être un bon compromis entre le choix de continuer mes études ou de commencer à travailler, c’est pourquoi j’ai décidé d’y réaliser le parcours d’ingénieur généraliste en alternance. À cette époque, j’avais déjà une appétence pour la recherche et voulais effectuer mes trois années d’apprentissage au sein d’un laboratoire de recherche. Étant donné que trouver une alternance dans ce milieu pouvait être compliqué, en parallèle l’école m’accompagnait dans la recherche d’une alternance en milieu industriel. Après avoir eu plusieurs propositions, j’ai opté pour le laboratoire de recherche, et cette expérience m’a énormément plu. Anne Louis, actuellement responsable de la recherche pour le Nord Ouest, et qui à l’époque était enseignante-chercheuse en charge de l’exposition à la recherche, m’a permis de participer à ma première conférence scientifique.

A l’obtention de mon diplôme d’ingénieur, j’étais tout de même curieuse de travailler en milieu industriel, et l’ingénieure de formation CESI qui me suivait en entreprise m’a accompagnée dans mon choix de poursuite d’études en m’orientant vers le Mastère Spécialisé Management par Projets. En parallèle, Bélahcène Mazari, Directeur de LINEACT CESI, laboratoire de recherche et d’innovation de CESI, me parlait de la possibilité de continuer sur une thèse doctorale, ce qui a fait germer l’idée. C’est pourquoi, pour avoir la possibilité d’intégrer le laboratoire, j’ai orienté ma thèse professionnelle de Mastère Spécialisé sur le management de projets innovants.

A la fin de cette année supplémentaire, il s’est avéré que LINEACT CESI recherchait un ingénieur de recherche pour travailler sur le niveau de maturité des PME en terme d’innovation. J’ai ainsi eu l’opportunité de les rejoindre pendant 18 mois supplémentaires. Cela m’a permis non seulement de découvrir plus précisément la recherche en innovation, mais également de rencontrer des personnes qui ont eu confiance en moi et qui m’ont montré que faire une thèse était tout à fait accessible, en m’accompagnant dans la concrétisation de ce projet.

CESI École d’Ingénieurs s’est impliquée dans mes études, en me permettant de suivre une route personnalisée, tout en étant encadrée à chaque étape. J’ai donc pleinement choisi, en 2020, d’intégrer CESI et plus spécifiquement LINEACT CESI en tant qu’enseignante-chercheuse, car j’ai pu bénéficier d’opportunités adaptées à mes souhaits d’évolution, dans un contexte de confiance et de bienveillance.

Pourquoi le secteur de la recherche lors de ta première alternance ? Etait-ce quelque chose qui te plaisait ?

Enfant, je voulais devenir astrophysicienne. J’étais donc déjà portée sur la recherche mais pas du tout sur le domaine de l’innovation. Puis au fur et à mesure, j’ai abandonné l’idée d’une thèse. Après le lycée, j’ai intégré un IUT en Mesure Physiques et réalisé un stage dans un laboratoire de recherche, expérience qui a découlé d’une opportunité apportée par l’un de mes enseignants. C’est ici que j’ai découvert un peu plus concrètement ce qu’était la recherche, les thèses et tous les mécanismes qui rentraient en jeu. Cette première expérience m’a beaucoup plu, j’ai d’ailleurs fait mon second stage en laboratoire de recherche mais dans une entreprise industrielle pour formuler des huiles de moteurs. Durant ce stage j’ai découvert tout un aspect manipulation et expérimentation.

J’ai ensuite souhaité intégrer CESI École d’Ingénieurs avec pour objectif initial d’être en laboratoire de recherche, domaine dans lequel il est pourtant difficile de trouver une alternance. Mon parcours s’est majoritairement fait sur des opportunités. La normalité était pour moi après CESI École d’Ingénieurs de travailler dans le secteur de l’industrie, mais pas forcément en recherche. Cependant, il y a quelques années, les apprenants ont eu la possibilité d’être plus exposés au domaine de la recherche, et ainsi de bénéficier d’opportunités supplémentaires.

Avant de rejoindre, en 2020, les équipes normandes de LINEACT CESI sous le thème « Apprendre et Innover » en tant qu’enseignante-chercheuse, quelles ont été tes motivations à soutenir ta thèse sur le secteur des PME face aux innovations ?

Ce sujet de thèse fait suite à une étude que j’avais menée, au sein du laboratoire LINEACT CESI en tant qu’ingénieure de recherche sur le niveau de maturité des PME en terme d’innovation. Les résultats de cette étude ont révélé que les dirigeants de PME cherchaient à innover, mais ne savaient pas toujours comment le faire : les stratégies et les démarches d’innovation au sein des PME ne sont pas totalement structurées.

Le laboratoire LINEACT CESI a la volonté de soutenir les PME dont les ressources humaines et matérielles sont plus limitées que les grands groupes, et je partage pleinement ces valeurs. C’est pourquoi, j’ai orienté mon sujet de thèse sur l’innovation dans les PME et plus particulièrement sur les pratiques d’innovation ouverte. L’objectif de mon doctorat était de comprendre comment les caractéristiques (organisationnelles, stratégiques et environnementales) des PME peuvent impacter l’adoption des pratiques d’innovation.

La réalisation de cette thèse n’a pas été une mince affaire et a nécessité de relever de nombreux défis. Le premier a été de réussir à articuler mon travail d’enseignante qui demande beaucoup d’implication avec mon travail de thèse qui est exigeant. Le deuxième défi a été la difficulté pour mobiliser les dirigeants de PME pour répondre à mon questionnaire d’enquête. Néanmoins, pour relever chacune de ces difficultés j’ai eu la chance d’être aidée et soutenue par de nombreuses personnes CESI.

Effectuer cette thèse dans le secteur des PME a été très enrichissant, cependant j’aimerais essayer de mener des recherches sur d’autres secteurs, plus larges, comme l’innovation dans les écosystèmes, dans les clusters ou encore sur les territoires pour essayer d’accompagner les décideurs de ces entités dans la prise de décision, toujours dans un domaine très applicatif. Par exemple, aujourd’hui, je monte des projets de recherche avec des partenaires scientifiques intra-européens de LINEACT CESI pour faire un état des lieux de la situation des entreprises en cette période de crise sanitaire, identifier quels ont été les impacts économiques et sociaux, puis d’exposer les bonnes pratiques à garder, ou celles à améliorer. L’objectif sera de tirer des bénéfices concrets de cette crise sanitaire, qui à titre d’exemple semble accélérer la transition numérique et les rapports à l’environnement. Ces projets de recherche sont déposés sur deux à trois années, et permettent d’identifier les axes sur lesquels nous souhaiterions nous concentrer dans les prochaines années.

Pour la suite, j’aimerais rester dans le domaine de la recherche en innovation. J’envisage d’encadrer des thèses et de publier des articles pour pouvoir passer mon HDR (habilitation à diriger des recherches) et évoluer vers un poste de directeur de recherche.

Surement impacté par la crise sanitaire, comment vois-tu ton poste évoluer dans les années à venir ?

Par définition, mon poste d’enseignante-chercheuse est voué à évoluer plus sur un aspect que sur l’autre dans les prochaines années.

Concernant l’enseignement, la crise sanitaire a mis en lumière certains mécanismes d’adaptation pour essayer des choses nouvelles, qui parfois se sont révélées bien fonctionner. Pour les séances de travaux collectifs que les apprenants doivent mener, j’ai l’impression que le format en distanciel fonctionne davantage que le format classique. Les apprenants semblent poser davantage de questions par le chat de la plateforme collaborative que lorsque je viens les voir à leur poste de travail. Les groupes de travail fermés en distanciel leur permettent de ne pas être distraits et je peux me concentrer pleinement sur leur projet. Il me semble donc plus facile de les encadrer et de les accompagner via ces logiciels numériques.
Cependant, les cours plus théoriques fonctionnent difficilement par ces plateformes. Au-delà d’une impression de leur faire subir une vidéo, je note qu’ils prennent moins part à l’enseignement. Les cours en présentiel me permettent bien plus d’interactions avec eux, d’y intégrer des quizz, des challenges, et de dériver sur des sujets connexes pour illustrer le cours. Je vois donc l’enseignement évoluer sous format hybride, avec des cours en présentiel pour conserver la dynamique et la participation, mais maintenir le format distanciel des travaux collaboratifs.

Concernant l’évolution de la recherche, le travail en distanciel était déjà bien présent avant la crise sanitaire, et donc il n’y a pas eu de fort impact sur son fonctionnement. Je ne pense pas que le fonctionnement de la recherche soit voué à évoluer profondément dans les prochaines années. Ce qui manque le plus, ce sont les pauses cafés. Pour les chercheurs elles sont l’occasion d’échanges informels pour partager nos difficultés et nos réussites dans nos travaux respectifs, et cela peut nous amener à s’entraider, ce qui est plus difficile en distanciel.


En revanche, concernant mes travaux spécifiques, le Brexit et la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne peut jouer sur l’évolution de la recherche. Il y avait auparavant beaucoup d’appels à projets entre la France et l’Angleterre dans le cadre de la collaboration européenne, qui risquent à présent de se voir limités. Le défi pour la recherche et donc pour LINEACT CESI, est de trouver de nouveaux projets avec d’autres pays frontaliers et de renforcer les collaborations entre les campus géographiquement plus proches. Si nous voulons par exemple travailler avec l’Espagne, il va être nécessaire de s’associer avec les campus CESI de la région Sud-Ouest.

Même si le fonctionnement de la recherche n’a pas été trop impacté par la crise sanitaire, le manque de présentiel impacte d’autres volets de mon activité. J’ai participé à la mise en place du Creativ’Lab, un espace collaboratif pour la créativité, afin que les élèves et les entreprises, dans le cadre des activités de transfert du laboratoire LINEACT CESI, puissent bénéficier d’équipements spécifiques pour monter leurs projets. Le lieu souffre malheureusement de la crise sanitaire qui réduit fortement le taux de présence…

Après un tel parcours à CESI, passant d’apprenante à collaboratrice, qu’est-ce qu’« être CESI » pour toi ?

Pour moi, être CESI signifie adhérer aux valeurs de CESI, et s’engager à les promouvoir. C’est rencontrer des personnes inspirantes et enrichissantes qui nous font confiance et nous donne confiance en nous même, aussi bien en tant qu’apprenante que collaboratrice. On a la chance de pouvoir évoluer dans sa carrière au gré des opportunités proposées selon les ambitions et les souhaits de chacun en offrant de nombreuses opportunités. On se sent soutenu dans nos choix. Enfin, CESI est animé par l’innovation, thème au cœur de mes activités de recherche au sein de LINEACT CESI. Les journées à CESI sont toujours différentes, l’innovation est à tous les étages, tout autant en tant qu’apprenant que collaboratrice. CESI, par l’innovation, forme pleinement au monde de demain.

En conclusion, pour moi « Etre CESI » c’est : le C pour Confiance, le E pour Evolution et Enrichissement, le S de Soutien et le I pour Innovation