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Hervé Deliaune est Docteur en Sciences de Gestion. Chercheur et spécialiste en gestion des organisations, conduite du changement et résilience organisationnelle. Depuis plus de 20 ans, il accompagne les entreprises dans leurs transformations stratégiques et intervient également dans de nombreuses formations professionnelles continue en tant qu’expert.

Dans cet entretien, il nous partage sa vision du monde de l’entreprise et ses évolutions nécessaires. Car, dans un contexte en perpétuelle mutation, toujours plus turbulent et plus VUCA*, comment l‘entreprises peut-elle allier performance globale et compétitivité ?

* VUCA : « Volatility, uncertainty, complexity and ambiguity » ou « volatil, incertain, complexe et ambiguë ». Concept, développé à la fin des années 1990, qui permet de décrire le monde, l’environnement dans lequel évoluent les groupes et les individus au sein des organisations.

Quelle place tient aujourd‘hui le management dans les organisations ? Quel est son rôle ?

Tout l’art de la stratégie consiste plus que jamais pour les managers, en période de forte incertitude, à se poser les bonnes questions, des questions qui soient à la foi dérangeantes, efficaces et stimulantes pour la communauté organisationnelle et qui donnent du sens à un processus de conduite du changement.

Aujourd’hui, le modèle des organisations fait appel à un management dit « top down » – un management très vertical – qui implique que les détenteurs de l’information travaillent la plupart du temps en silos verticaux selon des pratiques managériales descendantes de type taylorien. Or, le management de demain a besoin d’une réciprocité collective au sein de l’entreprise, de ne plus négliger aucune intelligence, d’encourager et de favoriser l’intervention de l’intelligence organisationnelle pour affronter les défis inédits qui remettent en cause la boussole stratégique de l’entreprise. C’est pourquoi, les transformations qui s’opèrent exige un management qui implique tous les niveaux et les acteurs, les parties prenantes de la chaine de valeur de l’entreprise; un management « bottom up ».

Et c’est ce modèle qui, j’en ai la conviction, permettra aux entreprises de rester efficaces et compétitives dans le contexte de crise.

Toutefois, cette approche holistique, ce diagnostic global, sollicite un courage et un volontarisme managérial capable de remettre en question les routines, les croyances et les habitudes qui figent l’entreprise dans une forme de « bien-être organisationnel » et qui l’empêchent d’envisager de modifier profondément son état d’esprit et son tempérament.

C’est à la fois un défi intellectuel et culturel majeur mais aussi un formidable tremplin pour les organisations de s’émanciper d’un certain nombre de facteurs de contingence, notamment si l’on veut pouvoir inventer une entreprise du XXIe siècle qui soit organique, émotionnelle, résiliente et numérique.

Dans un environnement hypercompétitif – voire anxiogène – la place et le rôle du manager est donc primordiale, non en tant que prescripteur ou que contrôleur mais en tant que leader « transformationnel ». En effet, l’entreprise a besoin de sa vision ; qu’il se pose en leader d’opinion afin de créer du lien, du sens et instaurer de la confiance dans les équipes. Sa posture est d’autant plus importante que tous les niveaux de la chaine de valeur de l’entreprise doivent être impliqués. Dans cette démarche, l’erreur serait cependant de croire qu’il est seul détenteur des clés du succès de l’entreprise alors même qu’il s’inscrit dans un mouvement d’intelligence collective.


Quel est le rôle de l’intelligence collective dans la transformation des entreprises ?

Comme nous l’avons déjà un peu évoqué précédemment, le grand défi, le premier facteur de contingence sur lequel les entreprises doivent aujourd’hui travailler en profondeur est la dimension idéologique et culturelle. Pour parvenir à se transformer, l’entreprise doit, en premier lieu, poser un diagnostic sur son niveau de maturité. Elle doit pouvoir évaluer ses capacités et ses habiletés internes à concevoir un modèle économique, managérial et social idoine, en cohérence avec les aspirations sociétales et environnementales de l’ensemble de ses parties prenantes, tant internes qu’externes. Il est donc crucial pour elle de bien d’identifier et comprendre l’origine de ses dysfonctionnements. Pour l’entreprise, la difficulté n’est pas de transformer son infrastructure en investissant, par exemple, dans du matériel, car cette simple ligne budgétaire ne demande pas d’effort intellectuel spécifique. La difficulté est de trouver la singularité qui la démarquera de la concurrence. Mais comment imaginer l’avenir de son organisation dans un contexte difficile ? Comment identifier les facteurs clés du succès de demain ?

Faire appel à l’intelligence collective est, selon moi, le meilleur atout compétitif que doit solliciter en permanence une entreprise pour se différencier car l’intelligence est partout en entreprise. Tout l’enjeu est de réussir à optimiser, coordonner toute cette énergie latente en faveur du rebond stratégique. De fait, l’entreprise affirmera sa singularité différentielle et bénéficiera d’une performance globale.

Quels moyens l’entreprise peut-elle développer afin de se différencier ?

La résilience est un concept américain et anglo-saxon qui, depuis plus de 80 ans, a été décrit et étudié aux États-Unis. Et c’est pour caractériser le tempérament américain que le mot a été attribué à l’humain. En effet, Paul Claudel, diplomate aux États-Unis durant la grande crise de 1929, évoque le tempérament des hommes d’affaires américains qui possèdent une qualité « résiliente » ; des habilités cognitives et comportementales réunissant à la fois « des idées d’élasticité, de ressort, de ressources et de bonne humeur. » Cette spécificité psychologique, cette « élasticité américaine » selon l’expression de Paul Claudel en 1933, décrit des managers capables de rebondir plus rapidement que les autres ; ce qui leur confère un véritable avantage compétitif.

En France c’est seulement depuis 2010, avec mes travaux en Sciences de gestion et ceux de Gilles Teneau, que le concept de résilience organisationnelle a commencé à être pris en considération dans les stratégies d’entreprises. La résilience organisationnelle est avant tout un processus dynamique et systémique, une capacité à faire face à l’adversité, une faculté organique de résistance qui doit mobiliser toutes les ressources latentes de l’entreprise. Le collectif a donc une importance capitale, voire fondamentale, dans le processus de rebond et de retournement. Il participe donc activement à la reconstruction de l’entreprise. Dans cet esprit de solidarité et de coopération, la résilience organisationnelle se définit comme la capacité d’un groupe à traverser les épreuves.

Pour moi, elle n’est pas seulement une réaction active mais une démarche proactive, incitant à une réflexion constante. Pour qu’elle soit efficace, il est nécessaire que les détenteurs de la stratégie de l’entreprise se posent les bonnes questions. C’est tout l’enjeu de l’art de la stratégie car la stratégie elle-même repose sur deux grands facteurs de réussite que sont l’optimisation et la singularité différentielle.

À un niveau de maturité suffisant, la résilience permet aux entreprises de réussir à profondément se transformer dans un monde « VUCA » (volatil, complexe et incertain).

Avec elle, on change les modes de fonctionnement et le management car, de la communication à la motivation des équipes, la performance sociale est le premier niveau de performance de l’entreprise. Cependant, une fois le dialogue social installé, lorsque la RSE (Responsabilité sociale de l’entreprise) est en place de manière organique, on peut stimuler l’intelligence collective de l’entreprise pour aller chercher les leaders qui porteront sa transformation ; les nouveaux managers.

Pouvons-nous dire que c’est grâce à la résilience que l’entreprise peut arriver à cette efficacité organisationnelle et managériale ?

Louis présente les enjeux des trois grandes ressources nécessaires à l’élaboration d’une ville durable : il s’agit de l’eau, de l’électricité, et du gaz.

  • L’eau représente un enjeu considérable, notamment car nos besoins augmentent. Cependant, la consommation moyenne quotidienne par habitant a diminué de 228L à 150L entre 1900 à aujourd’hui. Et ce progrès est dû à l’optimisation du réseau et des systèmes d’acheminement.
  • Ce réseau est semblable à celui du gaz, qui connaît lui aussi une optimisation liée à un fort domaine d’expertise.
  • Cependant, l’électricité reste un défi majeur. On possède désormais les compétences pour produire une énergie propre (énergie solaire, énergie éolienne, etc…) mais il est nécessaire d’adapter cette transformation énergétique à l’ensemble urbain. L’accroissement de la population est un frein au développement de ces nouvelles technologies, souvent utilisées de façon très particulières.

Enfin, la volonté de ville durable passe nécessairement par une maîtrise des contraintes environnementales. Il sera donc nécessaire d’encourager l’engagement écologique, et de développer des compétences techniques permettant la diffusion et le maintien d’énergies propres à grande échelle.

Concrètement, comment cela se met-il en place dans les entreprises ?

À titre d’exemple, une entreprise du BIO avec laquelle je travaillais avait un cloisonnement hiérarchique extrêmement fort. Très rigide dans son fonctionnement, il était devenu vitale pour elle de revoir entièrement son organisation si elle voulait poursuivre son activité.

On a débuté par un diagnostic complet de ses dysfonctionnements. Puis, on a revu toute sa logistique ; les horaires de travail, la flexibilité des équipes… On a redéfini les ressources et les compétences nécessaires afin d’optimiser la production. On a retravaillé les packages marketing et on a progressivement apporté de la transversalité dans le travail des équipes en décloisonnant les services ; ce qui a limité la rétention d’informations et a redonné de la vitalité à l’entreprise.

Aujourd’hui, les entreprises qui, comme cet exemple, ont une forte culture stratégique mais ne la remettent pas en cause sont vouées à l’échec.

Cependant, il faut être réaliste. Dans la plupart des entreprises, on ne peut pas faire totalement disparaître les silos. Toutefois, on peut les alléger ; en imaginant quelles interactions sociales sont à transformer, à commencer par le management.

Dans les grandes entreprises, la situation est un peu différente. De par leur taille critique, au sein des silos, certaines fonctionnent plutôt en « lean strat-up » ; une méthode de gestion de projets d’une grande souplesse qui reprend un modèle généralement utilisé en start-up afin de répondre rapidement aux besoins du marché. C’est une manière de mettre en place de nouvelles pratiques nécessaires à la performance de l’entreprise.

Selon vous, est-ce que le concept d’entreprise libérée est le modèle, qui demain, permettra à l’entreprise d’être véritablement efficace ? Est-ce un modèle possible en France ?

Le modèle de l’entreprise libérée nécessite que l’entreprise soit extrêmement mature en termes d’organisation, qu’elle soit capable de faire preuve d’une grande agilité. 90 % des entreprises en France ont besoin de cette agilité pour évoluer. Les très grands groupes ont leurs propres fonctionnements mais cela ne concerne que 0,1% des entreprises dans le monde. Toutes les autres entreprises ont donc besoin de nouvelles pratiques, de nouvelles performances pour être hyercompétitives et surtout chronocompétitives.

Pour cela, elles devront, demain, être plus ouvertes dans la gestion de leurs ressources humaines, et notamment adopter une stratégie idiosyncrasique afin de redonner du sens à la notion de capital humain car l’entreprise est organique, émotionnelle et numérique. C’est un système, un organisme vivant qui change, évolue dans un environnement en perpétuel mouvement.

Il ne s’agit pas uniquement de performance financière mais également de performance humaine. Pour replacer l’humain au cœur de sa transformation, il faudra ainsi que l’entreprise redonne du sens et de l’esprit à l’intelligence et à l’action collective. Peut-être est-ce utopique mais j’ai l’intime conviction qu’il ne peut pas y avoir de grandes transformations, de progrès, sans utopie.

La crise sanitaire de la COVID-19 a accéléré la transformation des entreprises mais elle ne l’a pas provoquée. Cette transformation était déjà nécessaire avant.