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À l’occasion de la Semaine internationale de la Lutte contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine Anti-LGBTQI+, Karim Amellal nous partage sa vision de la mobilité et des opportunités liées à l’ingénierie au sein du bassin méditerranéen ainsi que ses angles d’attaque pour lutter contre toute forme de discrimination.

Ambassadeur de France, délégué interministériel à la Méditerranée, Karim Amellal a par ailleurs contribué à la rédaction d’un rapport consacré au renforcement de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet.

Pouvez-vous nous expliquer les contours de votre mission auprès des pays méditerranéens ?

Je suis Ambassadeur de France et à ce titre, je coordonne l’ensemble des actions et projets de la France dans l’espace méditerranéen. Mon périmètre d’action regroupe à la fois les pays de la rive nord de la Méditerranée (pays européens), les pays de la rive orientale (Moyen-Orient) et les pays de la rive sud (Afrique du Nord).

Je représente la France dans toutes les organisations qui concernent ou intéressent la Méditerranée, en coordonnant les actions de l’État dans tous les domaines liés la Méditerranée. Nous lançons avec mon équipe des projets et des initiatives en direction de la Méditerranée, et en particulier les pays de la rive sud.

Le périmètre d’action est donc très large, tant géographiquement que thématiquement, portant à la fois sur la mer et sur la terre. Nous travaillons avec l’ensemble des ambassadeurs de France, qui opèrent dans tous les pays du pourtour méditerranéen. Il s’agit d’une fonction très large et passionnante car aujourd’hui, nos principaux sujets d’études portent sur les changements climatiques, la mobilité, l’éducation, la biodiversité, la culture, l’emploi, le patrimoine…

Pour résumer, je suis le « Monsieur Méditerranée » de la France.

CESI accueille de nombreux élèves issus des pays du bassin méditerranéen et a signé de nombreux partenariats d’échange avec des établissements universitaires situés dans ces pays. Quels sont, selon vous, les enjeux pour l’Enseignement supérieur dans des pays méditerranéens et, peut-être, plus particulièrement dans le secteur de l’ingénierie ?

La Méditerranée est un petit espace géographique mais qui se révèle être extrêmement fragmenté, avec des blocs culturels très différents les uns des autres. La Méditerranée est un ensemble complexe d’un point de vue culturel et géographique, et lorsqu’on lance un projet dans cette zone, on le lance dans plusieurs pays. Il est très difficile de lancer un projet à l’échelle de l’ensemble de la région.

Parler de mobilité des étudiants, des enseignants et des salariés dans un espace aussi contrasté n’est pas évident. Il faut beaucoup de travail et d’efforts politiques.

Sur le plan de la mobilité étudiante, il y a beaucoup de mobilité vers les espaces qui sont très homogènes comme par exemple la France, l’Espagne, le Portugal ou la Grèce, où le programme Erasmus est présent. Pour les autres pays du bassin, les difficultés sont lourdes : il y a la question des visas, des universités partenaires, des conditions d’accueil, des situations politiques…

Concernant les métiers de l’ingénierie, il y a aujourd’hui des secteurs d’activités qui sont essentiels en Méditerranée, notamment ceux liés au développement durable. La transition énergétique est un enjeu technique, et c’est aujourd’hui aux ingénieurs de trouver des solutions pour faire face aux changements climatiques et pour opérer cette transition.

Un autre sujet préoccupant pour les diplomates est l’économie bleue, soit l’économie de la mer. L’économie bleue est la manière d’appréhender l’ensemble des thématiques et des problèmes auxquels la mer Méditerranée nous confronte : le tourisme, l’emploi, la transition énergétique…

Un des grands enjeux du bassin méditerranéen est de faire en sorte que cette mer qui nous unie soit une ressource d’opportunités pour créer de l’emploi, développer la mobilité et les formations. Les ingénieurs sont les principaux acteurs de cette dynamique.

Pourquoi, selon vous, les élèves de CESI devraient-ils s’intéresser aux pays méditerranéens et pourquoi devrait-ils y effectuer un séjour académique ou un stage ?

La réponse est assez simple, la Méditerranée est à la fois notre espace culturel naturel, mais aussi notre évidence géographique. L’espace méditerranée, et notamment les pays d’Afrique du Nord, regroupe des pays avec lesquels nous avons des centaines de milliers de liens (familiaux, économiques, culturels…). Malgré les difficultés dans certains de ces pays, il y a énormément d’opportunités économiques pour ceux qui veulent créer leur entreprise, d’opportunités de commerce, d’opportunités d’ingénierie à travers toutes les solutions à développer pour opérer la transition énergétique avec des pays qui sont nos principaux fournisseurs d’énergies : énergies fossiles d’aujourd’hui et de demain, énergies renouvelables ou recyclables.

Comment voyez-vous l’avenir des échanges académiques et scientifiques entre la France et les pays de l’espace méditerranéen ? Quels seront selon vous les sujets porteurs ?

La mobilité intra-européenne est considérable et va s’accroitre. Malgré toutes les difficultés de certains pays, je pense que notre intérêt commun est de développer nos échanges et de faire en sorte de trouver les bonnes articulations : la mer Méditerranée ne peut pas être une barrière. Les migrations climatiques vont s’accentuer de façon considérable. Nous devons donc nouer des accords et des partenariats avec tous les pays du pourtour méditerranéen pour mettre en place des systèmes de mobilité intelligente.

Il faut donc développer les mobilités de chercheurs, d’étudiants, d’emplois et de formations qui n’existent pas encore dans tous ces pays. À long terme, ce problème doit être transformé en une opportunité pour tout le monde.

Monsieur l’Ambassadeur, vous avez contribué à la rédaction du rapport préparant la loi pour la lutte contre la haine sur Internet ? Avons-nous, depuis, fait des progrès dans la lutte contre les propos haineux ? Quels peuvent être, selon vous, les meilleurs outils pour sensibiliser les jeunes générations ?

Nous faisons effectivement des progrès techniques car les algorithmes évoluent. On a aujourd’hui des solutions pour diminuer ces risques de haine ou de cyber harcèlement grâce à une conscientisation des plateformes et de ceux qui les opèrent. Quelques progrès sont à noter également au niveau de la régulation à l’échelle de l’Union Européenne. Certaines plateformes sont globales et n’ont pas de frontières physiques, il est donc compliqué de légiférer à l’échelle nationale.

Dans le monde physique, il y a des règles, on ne peut pas tenir de propos haineux envers quelqu’un car c’est illégal. Ces lois font que la parole publique est à la fois régulée et contrainte d’une certaine manière. Si ces règles prévalent dans le monde physique, il n’y a aucune raison qu’elles n’existent pas sur Internet : Internet ne doit pas être un espace de non-droit. Les conséquences ne sont pas uniquement virtuelles mais aussi réelles, comme on a pu le voir avec la tuerie de Christchurch avec une personne s’étant radicalisée en ligne avec des contenus terroristes. Il est tout à fait clair qu’aujourd’hui, ce type de contenus doit être interdit sur toutes les plateformes. Malheureusement, il existe encore des plateformes qui refusent toute forme d’interférence avec la loi.

La seconde question qui se pose est la suivante : quel niveau de liberté souhaitons-nous pour que la vie commune sur ce type de plateforme puisse perdurer ? Ces débats ont lieu à l’échelle mondiale et sont très importants. Nous devons avoir les mêmes règles communes aussi bien dans la vie réelle que dans la vie virtuelle en ce qui concerne le racisme, l’antisémitisme, la haine anti-LGBTQI+ et le harcèlement.

Comment chacun de nos élèves peut-il participer à la lutte contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine Anti-LGBTQI+ ? Comment les établissements peuvent-ils les aider ? 

Face à des propos haineux à caractères racistes, antisémites ou homophobes dans la vie physique, on se sent révolté : il s’agit de règles élémentaires. Nous devons faire la même chose sur les plateformes grâce aux outils de signalements, de blocage et de plainte. Nous devons participer à ce travail d’hygiène collective en ligne comme nous le ferions dans la vraie vie.

Je pense que nous avons un devoir d’information et de pédagogie auprès des plus jeunes : expliquer ce qu’est la haine en ligne, pourquoi ce n’est pas acceptable, quels sont les moyens de lutter contre, comment fonctionne un signalement, comment réagir face à un cyber harceleur, à qui peut-on s’adresser…

Nous devons tous être des cybers citoyens et être en capacité d’expliquer les solutions. Il s’agit d’un devoir de citoyen : nous devons signaler les contenus à caractère haineux. Et si nous tous, qui utilisons massivement ce type de plateformes, nous mettons en pratique ces solutions, on peut être convaincu que la haine en ligne diminuera drastiquement.