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Dans de nombreux parcours de soin, la rééducation physique représente une étape cruciale. Qu’il s’agisse de récupérer une mobilité fonctionnelle après une intervention chirurgicale, de retrouver de la force après une blessure, ou de mieux vivre avec une pathologie chronique comme l’arthrite, les exercices thérapeutiques doivent être réalisés régulièrement, avec rigueur, et idéalement sous supervision. Pourtant, dans les faits, beaucoup de patients rencontrent des difficultés à suivre ces recommandations dans la durée.

Accès limité aux professionnels, contraintes logistiques ou financières, manque de temps ou de mobilité : ces obstacles nuisent à la continuité des soins. C’est dans cette perspective que s’inscrivent les travaux de Youssef Mourchid, enseignant-chercheur au sein de CESI LINEACT, qui développe un système d’analyse automatisé du mouvement destiné à évaluer et guider des exercices de rééducation à distance, en s’appuyant sur les possibilités offertes par l’intelligence artificielle.



Une recherche inscrite dans la thématique « Compréhension de scène pour les interactions humains-systèmes »

Les travaux de Youssef Mourchid s’inscrivent dans la thématique  » Scene Understanding for Human-system Interaction » / Compréhension de scène pour les interactions humains-systèmes (S2HSI) de l’équipe de recherche Ingénierie et Outils Numériques, thématique animée par Vincent Havard au sein de CESI LINEACT. Cette thématique de recherche vise à concevoir des systèmes capables de percevoir, interpréter et interagir de manière intelligente avec leur environnement, qu’il soit physique, numérique ou humain. Il mobilise des approches en vision par ordinateur, modélisation du comportement, traitement de signaux et apprentissage profond.

Cette thématique se décline en trois axes secondaires :

  • Les interactions humain-système au sein du jumeau numérique interfacé en réalité virtuelle ou en réalité mixte, qui permettent la coopération entre des humains et des systèmes autonomes ou robotiques dans des environnements complexes.
  • La reconnaissance des émotions et des actions humaines, centrée sur l’identification, l’interprétation ou l’évaluation des gestes, postures et séquences motrices dans des contextes applicatifs comme la santé ou l’industrie.
  • La perception collaborative de l’environnement, à travers des agents robotiques et d’autres capteurs répartis, qui traite de l’identification d’objet, de l’estimation de leur pose (position et orientation), de la reconstruction et de l’analyse d’un espace par un système autonome.

Le projet de Youssef s’inscrit dans l’axe « reconnaissance des émotions et des actions humaines« , et illustre pleinement les objectifs de cette thématique : développer des technologies capables de comprendre l’activité humaine dans une logique d’assistance, d’adaptation et d’analyse intelligente, ici appliquée au domaine de la rééducation.

Répondre à un besoin concret par une solution technologique

L’objectif est de rendre possible une évaluation fine des mouvements réalisés par un patient, en autonomie, à domicile, tout en conservant une forme d’encadrement technique. À l’aide d’une caméra ou de capteurs inertiels, le système capte le mouvement de l’utilisateur en temps réel. L’IA traite ensuite les données pour reconstruire un Jumeau numérique de l’humain indiquant les positions des articulations dans le temps , et suivre l’exécution de l’exercice.

Chaque séance donne lieu à un score de performance, qui permet d’évaluer si les consignes ont été respectées : amplitude, posture, stabilité, coordination. Mais au-delà de ce score global, le système fournit également des indications ciblées, identifiant les articulations sollicitées de manière incorrecte, les segments sous-mobilisés ou les déséquilibres d’exécution.

Ce retour d’information est transmis au patient de manière claire et structurée, lui permettant de corriger ses gestes au fur et à mesure, sans attendre une séance en présentiel. L’ensemble de la démarche vise à renforcer l’autonomie du patient, sans pour autant l’isoler dans sa rééducation.

Une analyse enrichie par l’apprentissage machine

La précision du système repose sur une architecture technique mêlant vision par ordinateur, réseaux de neurones profonds et graphes spatio-temporels. Cette combinaison permet de prendre en compte non seulement la position des articulations à un instant donné, mais aussi l’évolution du mouvement dans le temps, sa fluidité, son enchaînement, et sa cohérence globale.

Les algorithmes ont été entraînés sur des bases de données annotées, incluant des gestes corrects réalisés par des professionnels, ainsi que des variantes plus fréquentes chez des patients en cours de rééducation. Grâce à cette base, l’IA peut non seulement identifier les écarts, mais aussi fournir une interprétation pédagogique de ces écarts, sous forme de visualisations (matrices de chaleur, indicateurs articulaires) que le patient peut consulter simplement.

Cette dimension visuelle et dynamique joue un rôle important dans la compréhension des erreurs de mouvement, en offrant au patient des repères concrets pour progresser séance après séance.

Une évaluation progressive, au service du suivi

source : swordhealth.com

Bien que nos travaux actuels se concentrent principalement sur l’évaluation automatisée des gestes et la fourniture d’un feedback précis, nous envisageons, dans une prochaine phase, d’intégrer un suivi fonctionnel longitudinal. Cette perspective permettra, à terme, de suivre l’évolution des performances du patient au fil des séances et d’identifier d’éventuelles anomalies répétitives ou des indicateurs de détérioration.

Pour le moment, l’accent est mis sur l’analyse point par point du mouvement, mais cette vision de suivi dans le temps constitue un axe de développement prometteur pour enrichir la personnalisation du soin.



Une approche pensée pour s’insérer dans la pratique existante

L’un des enjeux majeurs du projet repose sur son intégration dans les usages actuels des professionnels de santé. Le système ne prétend pas remplacer la supervision humaine, mais agir en relais, en prolongeant l’accompagnement entre deux séances, et en maintenant une forme de dialogue technique autour de la qualité du geste.

Dans cette logique, le développement du dispositif a été mené en tenant compte des contraintes de terrain, et des échanges ont eu lieu avec un cabinet de kinésithérapie pour confronter le système aux besoins concrets. Ces retours permettent d’ajuster l’ergonomie de l’interface, le format des retours fournis, ou encore les types d’exercices pris en charge par le système.

Ce lien avec les praticiens permet d’orienter la recherche vers des usages applicables rapidement, sans sacrifier la précision ou la robustesse scientifique du modèle.


Enjeux futurs et perspectives cliniques

À plus long terme, l’un des objectifs est de rendre le système capable de reconnaître automatiquement certains profils moteurs, en lien avec des pathologies spécifiques. Par exemple, les troubles liés à l’arthrite, les atteintes neurologiques légères ou les compensations posturales chroniques pourraient être identifiés grâce à des analyses répétées dans le temps, et à la mise en relation de plusieurs variables articulaires.

Ces possibilités de suivi fonctionnel avancé restent à affiner, mais elles laissent entrevoir un complément utile aux outils cliniques classiques, notamment pour mieux documenter l’évolution d’un patient entre deux consultations, ou pour appuyer une décision de réorientation thérapeutique.

Les enseignants-chercheurs impliqués sur ce projet

Youssef Mourchid

Youssef Mourchid est enseignant-chercheur au sein de CESI LINEACT sur le campus de Dijon, dans l’équipe « Ingénierie et Outils Numériques». Docteur en informatique de l’Université Mohammed V (Maroc), il est spécialisé dans la vision par ordinateur et l’intelligence artificielle. Ses travaux de recherche portent principalement sur le développement de modèles d’apprentissage automatique appliqués à l’analyse des mouvements, avec une attention particulière aux problématiques de santé, au traitement de données biomédicales et à leur intégration dans les pratiques cliniques.